Hall of Fame 2009 : John Stockton

C’est l’histoire d’un gars qui ressemble à Monsieur Tout-le-monde et qui sort d’une fac sans références. Personne ne miserait le moindre dollar sur lui.

Dix-huit ans plus tard, quand il prend sa retraite, il est classé meilleur passeur et intercepteur de tous les temps…

Stockton fut peut-être le basketteur le plus discret de la Ligue. Logique quand on évolue dans la ville la moins médiatique des USA, perdue au fin fond d’un Etat presque désertique. Stockton, c’est comme l’ami de la famille. 1,85 m, 79 kg, cheveux noirs, sourcils épais, bien dégagé derrière les oreilles. Toujours bien rasé, poli, propre sur lui, avec une peau d’une blancheur presque maladive. Il n’a ni le look, ni le charisme, ni le comportement d’une star. Qu’il perde ou qu’il gagne, il affiche toujours le même faciès. En dehors du basket, il passe tranquillement son temps à la maison avec sa femme Nada et ses enfants (il en aura six).

La carrière universitaire de John Stockton est tout à fait correcte. Il mènera son équipe de Gonzaga à son meilleur bilan en 17 ans. Sa saison senior ? Conclue en 20,9 points, 7,2 assists et 3,9 steals. Meilleur scoreur, intercepteur et passeur de sa Conférence, rien que ça. A l’été 1984, il fait partie des 74 universitaires appelés aux tryouts pour participer aux Jeux Olympiques de Los Angeles. John Stockton passera la première sélection qui fait passer de 74 à 20 le nombre de candidats aux Jeux Olympiques. Il ne passera pas la seconde (comme Charles Barkley, tiens tiens). Mais John Stockton n’a pas perdu son été. Ces sélections ont permis d’impressionner Bob Knight, le coach de Team USA, qui conseillera fortement le Jazz de le prendre. Et ce fut la première rencontre avec Karl Malone, qui faisait partie des 74 joueurs de base de la sélection. John Stockton sera finalement choisi en 16ème position de la Draft 1984. Durant ses trois premières saisons, il doit se contenter de miettes derrière Ricky Green, le meneur titulaire de l’époque. Malgré 23 minutes de jeu de moyenne, il se hisse dans les dix meilleurs passeurs et intercepteurs de la Ligue dès sa saison sophomore. Il faudra attendre la saison 2000-2001 pour l’en voir sortir, 15 ans après. Les playoffs 1987 achèvent de convaincre le Front Office du Jazz de le titulariser. Suite à la blessure de Ricky Green, il va être titularisé pour les Games 4 et 5 de la série contre les Warriors. Le résultat : 15 points, 13 assists et 6 steals, puis 14 points, 13 assists et 3 steals. Mais la bande à Mullin, Sleepy Floyd et Purvis Short sera trop forte pour le duo naissant Karl Malone / John Stockton.

Le duo nait réellement en 1987-1988. John Stockton devient titulaire, et finit meilleur passeur (13,8 assists) et 3ème intercepteur (3,0 steals) de la Ligue. All-NBA Second Team pour lui. Karl Malone devient All-Star, All-NBA Second Team, All-Defensive Second Team, 5ème scoreur (27,7 points) et 4ème rebondeur (12,0 rebonds). Et Utah va enfin passer un tour de playoff avant de perdre au Game 7 contre les futurs champions, les Los Angeles Lakers. Les stats de John Stockton contre Magic sur cette série ? 19,3 points, 16,4 assists et 4,0 steals, tout simplement.

Les saisons vont se poursuivre sur le même schéma. De 1989 à 1995, John Stockton est All-Star, meilleur passeur et sur le podium des intercepteurs de la Ligue. Utah enchaine les saisons à 50 wins ou plus. Mais le Jazz n’arrive pas à atteindre la finale NBA. En 7 saisons, ils se font éliminer deux fois par les Rockets d’Hakeem Olajuwon (futur champion les deux fois), deux fois par les Blazers de Drexler, une fois contre les Sonics de Payton et Kemp, par les Warriors du (presque) Run TMC et par les Suns. Le duo n’arrive pas à atteindre la première finale NBA de son histoire. Mais tout n’est pas noir pour eux, qui feront partie de la Dream Team de Barcelone. John Stockton est le seul à pouvoir faire du tourisme en famille tranquillement, sous les regards envieux de ses coéquipiers, assaillis par les fans et les médias en permanence.

Le facteur et le comptable sur le toit de l’Olympe

La Fantasy Draft arrive finalement à point nommé. Pas pour Utah, qui va passer de 60 victoires, à 42 puis 16 victoires en deux ans. Pas pour Karl Malone non plus, qui va faire une dernière saison à 50 wins avant de plonger, comme son équipe des Suns. Mais pour John Stockton, c’est parfait. Il est sélectionné avec le 22ème choix du premier tour de la Fantasy Draft par Dams, GM des Kings. John Stockton a maintenant 33 ans. Le titre NBA l’obsède depuis si longtemps maintenant. Beaucoup de fans NBA se demandent comment va réagir John Stockton, maintenant qu’il est privé de son acolyte de toujours. Stockton l’assure, la Fantasy Draft va marquer un tournant dans sa carrière. Et quel tournant ! Au côté de Juwan Howard, Deltlef Schrempf, Ardivas Sabonis, Derek Harper, Hubert Davis, Kevin Willis ou Nate McMillan, les Sacramento Kings de John Stockton vont tout simplement égaler le meilleur bilan NBA de l’histoire avec 69 victoires pour 13 défaites ! Les stats du MVP ? 20,4 points, 9,6 assists, 3,2 rebonds et 1,7 steals. All-Star, évidemment. All-NBA First Team pour la 3ème fois de sa carrière également. MVP des Finales, assurément. Comme un symbole, Stockton et sa bande affrontent le Jazz au premier tour des playoffs 1996. Son premier match donne le ton de sa série : 23 points, 12 assists et 8 rebonds. Le Game 2 est un récital avec 35 points à 13/14 et 13 assists pour 0 turnover. Le Jazz se fera finalement sweeper sans ménagement par son ancien prodige. Les Spurs et les Warriors ne résisteront guère plus, 4-1 pour eux. Les Wizards, pourtant composé de Pat Ewing, Reggie Miller, Scottie Pippen, Dennis Rodman et Mark Jackson ne parviendront pas à stopper la folle épopée des Sacramento Kings, qui remporteront le titre après 45 ans d’attente. John Stockton est élu MVP des playoffs avec des moyennes de 21,0 points et 10,2 assists de moyenne (plus 3,9 rebonds et 1,9 steals pour faire joli). Son Game 4 sur le parquet des Wizards pour faire passer Sacramento à 3-1 est un modèle du genre : 37 points à 15/19, 16 assists (1 turnover), 5 steals. John Stockton est sur le toit du monde.

La suite sera un peu plus compliquée pour les Kings. Sabonis et Derek Harper chutent très vite, trop euphoriques après le titre. Sacramento ne gagnera que 58 wins (ce qui est néanmoins le meilleur bilan NBA), mais ne dégage plus la même impression de puissance. John Stockton n’est plus aussi dominant avec 15,9 points et 9,1 assists seulement. Les Kings seront challengés par les Rockets, qui leur prendront un match. Les Warriors se rapprochent et décrochent un Game 7, remporté au finish grâce à un John Stockton royal et auteur de 11 points dans les 5 dernières minutes. Mais les Spurs, avec le renfort de Patrick Ewing, David Robinson et Magic Johnson, ne se priveront pas pour sortir les champions en titre 4-2. Le meilleur est passé pour John Stockton, qui ne sera plus meilleur passeur de la Ligue l’année suivante, mettant fin à un règne de 10 ans. Les Kings se feront sweeper en demie par les Scorpions. Le 20 octobre 1998, Dams prendra la décision de trader John Stockton chez les Pistons. Il participera deux fois aux playoffs, pour deux éliminations au premier tour. S’en suit une longue fin de carrière aux Nets, où il manquera pour la première fois de sa carrière les playoffs à 38 ans et perdra sa place de titulaire. Rebelote l’année suivante aux Cavs. John Stockton prendra sa retraite à l’issue de cette saison chez les Cavs, à 39 ans.

Mais si la carrière de basketteur est terminée pour John Stockton, celle de coach ne fait que commencer. Sa dernière année chez les Cavs, John Stockton la passe plus comme assistant coach que joueur. Il assimile les besoins et les devoirs nécessaires pour devenir un bon coach. Il prépare son playbook, travaille son leadership. Et dès sa retraite, il est recruté par Dallas en tant qu’assistant coach de Chuck Daly. Après sa retraite, c’est Paul Pressey qui prend la place de Head Coach, au dépend de John Stockton. Mais ce dernier est patient, et il profitera du limogeage de Paul Pressey suite à l’upset subi contre les Houston Rockets pour devenir enfin Head Coach. Après 4 saisons en tant qu’assistant, John Stockton détient les rennes de la franchise. Il va en faire l’une des meilleures de la Ligue. En trois saisons en tant que Head Coach, John Stockton possède un bilan de 77,6% de victoires. Il a remporté le titre NBA en 2008, en étant le coach ayant perdu le moins de match sur une campagne de playoffs. Et devient le premier à être à la fois champion NBA en tant que coach et MVP des Finales en tant que joueur. Et le deuxième à cumuler titre en tant que Head Coach et MVP de saison régulière en tant que joueur. Malgré la défaite en finale de Conférence contre les Grizzlies, son poste n’est pas menacé. John Stockton peut regarder avec plaisir son parcours NBA.

Car elle est belle, sa carrière. Double champion olympique (1992 et 1996), double champion NBA (une fois en tant que joueur, l’autre en tant qu’entraineur), MVP de saison régulière, MVP des Finales, 9 fois All-Star, 3 fois All-NBA First Team, 5 fois All-NBA Second Team, 3 fois All-NBA Third Team, 4 fois All-Defensive Second Team. Les chiffres de Stockton donnent le tournis, lui qui finira 10 fois meilleur passeur de la Ligue. Isiah Thomas a dépassé la barre des 1 000 passes en une saison une fois seulement dans sa carrière. Magic, jamais. John, lui, y parvient tous les ans (7 fois entre 1988 et 95). Il a fait d’un art une routine. Rien qu’avec le Jazz, il totalise 10 394 assists. Le meilleur total All-Time. Il ajoutera 3 676 assists durant ses saisons sur Hannibal, pour totaliser 14 070 assists en carrière. Personne n’a fait mieux. Pareil pour les steals, où il finit avec 2 934 interceptions.

Il devrait avoir son maillot retiré dans deux franchises. A Utah, dont il est le meilleur passeur (10 394 assists), intercepteur (2 225 steals) et le 3ème scoreur (derrière Karl Malone et Adrian Dantley). Il est aussi le joueur avec le plus de matchs joués sous les couleurs du Jazz avec 898 matchs. Et à Sacramento, à qui il a ramené un titre, et donc il est le 8ème passeur en saison régulière, le recordman au nombre matchs de playoffs disputés (47 matchs), aux passes décisives (446 assists), aux interceptions (80 steals), aux 3-points (90 tirs primés) et deuxième aux points derrière Oscar Robertson. Deux maillots retirés qui font échos aux deux intronisations au Hall of Fame. La première en tant que membre de la Dream Team, la seconde grâce à vous. Allez John, profites, puis retourne au boulot ! Y’a des trades à finaliser, une nouvelle saison à préparer, un titre à aller récupérer !

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