Hall of Fame 2010 : Reggie Miller

C’est l’un des plus grands shooteurs que le basket américain ait enfantés.

Reggie Miller a empoisonné la vie de Michael Jordan et pourri l’atmosphère du Madison Square Garden avec des shoots assassins au timing diabolique.

Et pourtant, Reginald Wayne Miller, gâchette légendaire des Pacers plus connue sous le nom de Reggie Miller, ne fut pas toujours le meilleur athlète de la famille. Certaines mauvaises langues rapportent qu’à une époque, il était même le seul joueur NBA incapable de battre sa sœur Cheryl, championne olympique de basket en 1984 à Los Angeles.

Mais il ne faut pas oublier que la présence de Reggie sur un terrain NBA relève du miracle. Reginald est né avec des problèmes osseux à la hanche. Les médecins disaient qu’il ne pourrait jamais marcher correctement. Il a dû porter des attelles pour renforcer ses deux jambes et compenser son handicap. Il a réussi à faire mentir le corps médical. Il a voulu tordre le cou à son destin.

A l’aube de la trentaine, au milieu des années 90, Reggie les grandes oreilles est bien devenu le porte-drapeau du clan Miller. Fini le temps où l’adolescent « fil de fer » alignait, avec ses longs bras, les séries de shoots dans le jardin familial, rejeté dans l’ombre par les exploits sportifs de son frère et de ses deux sœurs. Darrell menait une carrière tout à fait digne d’un professionnel de baseball. Tammy était l’espoir n°1 du volley-ball américain. Et surtout, Cheryl était la déesse du basket mondial.

Cheryl Miller aux JO de Los Angeles

S’il avait commencé, pour suivre les traces de son frère, par le baseball, Reggie Miller se familiarisa avec le basket en aidant sa sœur, « Il manquait souvent un joueur quand Cheryl organisait des petits matchs avec ses copines. Alors je rendais service. », résumait Reggie Miller. Selon lui, les parties s’interrompirent le jour où il fut capable de bloquer les tirs de Cheryl. Il raconte aussi que son shoot peu académique se développa à cette époque. Il fallait bien donner de la courbe aux tirs pour empêcher Cheryl de les contrer systématiquement.

Mais le virus du basket est bien ancré chez Reggie Miller. Chaque jour, en rentrant de l’école, il enquille 300 shoots avant de faire ses devoirs. Après le dîner, il en remet une petite dose. Reggie le dit si bien : « J’avais une mission : devenir un grand basketteur ».

Pointilleux, le jeune homme. Une vraie tête de mule. Et un caractère de cochon, comme va le montrer la suite. Après une carrière honorable au lycée de Riverside (Californie), Miller choisit l’université la plus proche qui se trouve être aussi la meilleure : UCLA. Il y obtiendra un diplôme d’histoire.

C’est là que l’aventure commence à ressembler à celles du frère et des deux sœurs. De 1983 à 87, Reggie enfile les points à la poursuite de Kareem Abdul-Jabbar, meilleur marqueur de l’histoire des Bruins. Il finira à la 2e place, non sans avoir été élu trois fois MVP de l’équipe. Cela ne l’empêchera pas de quitter la fac avec une réputation de « chieur ». Timide et réservé en dehors du terrain, il l’ouvre un peu trop sur le parquet.

Mais qui, contrairement à beaucoup de fortes têtes, connaît aussi le respect. Surtout quand il s’agit de Magic Johnson. « Si je suis là où je suis, c’est grâce à Magic. J’avais 18 ans quand je l’ai rencontré. Il est arrivé à UCLA pour s’entraîner avec Michael Cooper. Nous avons joué ensemble et il m’a pris à part à la fin de la séance. « Tu as les qualités pour être une star en NBA », m’a-t-il dit avant de me donner quelques conseils. Quand je suis rentré chez moi, j’étais sur un nuage. Je disais à tout le monde que le grand Magic m’avait parlé… Magic comme mentor ! Vous imaginez la chance que j’ai eu ?».

L’élève trace sa route vers la gloire. Les Pacers le choisissent en 11e position de la draft 1987. Donnie Walsh, le GM, est copieusement hué par les fans qui lui reprochent de ne pas avoir retenu Steve Alford, champion olympique en 1984 aux côtés de Michael Jordan. En plus, Steve Alford est champion NCAA avec les Hoosiers d’Indiana dont il est le meilleur marqueur de l’histoire. L’un des meilleurs choix de la carrière de Donnie Walsh. L’un des plus durs aussi, assurément. Le public ne lui en tiendra pas longtemps rigueur. Dès sa première saison, Reggie fait parler de lui, notamment en battant le record de tirs à 3 points pour un débutant qui appartenait à Larry Bird. Belle référence.

Six ans plus tard, il est déjà le quatrième lanceur de missiles de l’histoire de la NBA avec 717 tirs primés réussis sur 1 860 tentés. Quand il prend sa retraite à l’été 2003, il est n°1 pour le nombre de tirs primés tentés (4 914) et réussis (1 952), deux records explosés depuis par Ray Allen. Pourcentage en carrière : 39.7%.

Cependant, son attitude sur le terrain n’a pas changé. Une petite baston avec Michael Jordan en 1992 leur vaut deux matches de suspension. Reggie Miller a sué pour devenir une star NBA. En 1990, il est le premier Pacer à participer au All-Star Game depuis 14 ans. En 1995, il sera le premier Pacer titulaire dans un Match des Etoiles. Il ne descendra pas en dessous des 18 points de moyenne pendant 12 ans, de 1989 à 2001. Pourtant, Reggie ne se sent pas hors du commun.

C’est l’un des aspects un peu déroutants du personnage Miller. Sur le parquet, le natif de Riverside n’avait pas sa langue dans sa poche. Ses passes d’armes avec Spike Lee au Madison Square Garden sont gravées dans le marbre.

Pour autant, Reggie n’était pas une bête de scène médiatique. Il s’accommodait de la starisation mais ne recherchait pas la lumière. Pas de bons mots face aux caméras, pas de déclarations fracassantes dans la presse… Sur le terrain, Miller était tout aussi fuyant, insaisissable. Sa spéciale : l’enchaînement sortie d’écran-réception-shoot instantané.

Impossible de mettre les coudes : au moindre courant d’air, la brindille perd l’équilibre et les arbitres sévissent, leurrés. Miller a fait fortune grâce au shoot. Il ne veut pas entendre dire que c’est un bouffeur de ballons. « Aucun risque », répliqueront ses détracteurs qui voient en lui un joueur complètement unidimensionnel, capable de mettre le panier qui tue mais aussi de « se planquer » durant les 47 premières minutes.

L’intéressé réplique qu’il s’attache à progresser dans le jeu de transition, le un-contre-un, les courses. En défense, rien à faire : Miller est définitivement à la masse. Ses détracteurs diront bien que c’est la cause de son absence de titre NBA. Car oui, malheureusement, Reggie Miller fait partie de cette catégorie de monstre sans bague, mais nous y reviendront.

A l’été 1995, Reggie Miller est au sommet de son art. Il sort de deux finales de conférence perdues contre les Knicks puis le Magic, en 7 matchs à chaque fois. Ses 39 points inscrits dans le Game 5 de la finale de Conférence 1994, dont 25 dans le dernier quart-temps. Ou les 8 points inscrits dans les 9 dernières secondes du Game 1 de la demi-finale de Conférence 1995, avec le mythique trashtalk avec Spike Lee, ont fait de Reggie Miller une icône de la balle orange (y’a un très bon article eurosport sur ces 8 points en 9 secondes pour les curieux).

Tout juste trentenaire, Reggie Miller va devoir changer toute sa carrière de basketteur suite à la Fantasy Draft. Le premier coup de poignard viendra quand ses Pacers feront l’impasse sur lui pour sélectionner l’ennemi des Bulls, Scottie Pippen. Le second tiendra à sa destination : les Washington Wizards. Ces derniers restent sur 7 saisons sans playoffs. Pire, ils n’ont plus gagné une série de playoffs depuis 13 ans. Repartir de zéro après être passé si proche des finales NBA deux saisons de suite, un crève-cœur pour l’ailier.

Mais le GM des Wizards est un malin. Krevur, car c’est de lui qu’on parle, va bien entourer son shooteur vedette. Mark Jackson, Jamal Mashburn, Jayson Williams et Luc Longley forment un cinq majeur bien réparti avec un meneur passeur, un jeune scoreur extérieur et deux éboueurs intérieurs avec des mains correctes. Bison Dele, Jaren Jackson, Bimbo Cole, Chris Carr (el mythico unico role playoro) et AC Green forment un banc très correct. L’équipe tourne bien, mais pas suffisamment pour Krevur. En décembre, il récupère un pétard en sortie de banc, Eric Piatkowski, contre un pick. En janvier, Jamal Mashburn, Bison Dele et AC Green partent contre Clyde Drexler et Dennis Rodman. A la trade deadline, Piatkowski et un pick partent contre Scottie Pippen, et Clyde Drexler et Luc Longley partent contre Patrick Ewing.

Un cinq majeur composé de Mark Jackson, Reggie Miller, Scottie Pippen, Dennis Rodman et Patrick Ewing, c’est monstrueux (mais un peu vieux). Et ça va chercher le meilleur bilan de la Conférence Est. Dans cette meute de vieux loups, le FP, c’est bien Reggie Miller : All-NBA Second Team, All-Star, 6ème scoreur de la Ligue avec 24,0 points de moyenne.

Les playoffs vont confirmer cette domination individuelle de Reggie Miller. Pas au premier tour contre les Cavs, car malgré la victoire 4-1 de Washington, Reggie est bien muselé par Gary Payton, et il laissera le scoring à d’autres joueurs, notamment Pat Ewing. En demie, Reggie et ses Wizards vont retrouver les Bulls et son bourreau de l’an passé, Penny Hardaway. La série va être très excitante. Dès le début, Miller va marquer la série de son empreinte avec 25 points dans un blowout pour son équipe. Et il récidive avec 31 points dans la victoire dans le Game 2. Mais derrière, c’est Penny qui répond présent, et Miller qui s’efface, et Chicago remporte ses deux matchs à la maison. Au Game 5, alors que Washington menait de 19 points à l’entame du 4ème QT, mais Chicago va passer un 29-9 pour reprendre les devants à 36 secondes du terme. Moment choisi pour Miller, auteur de 8 points, pour marquer un panier plus la faute, puis un jumpshot pour l’emporter de 3 points. Après un blowout au Game 6, c’est lui qui initie le comeback des Wizards dans le Game 7. Alors menés de 13 points à 10 minutes du terme, il va inscrire 21 points pour prendre sa revanche sur Penny et les Bulls, qui l’ont si souvent contrariés en playoffs.

C’est donc une troisième finale de conférence de suite pour Reggie Miller. En face, ce sont les surprenants Charlotte Hornets de Kevin Garnett qui se dressent face à lui. De manière surprenante, Reggie domine à la maison, mais ne met pas un pied devant l’autre chez les Hornets. Sauf au Game 6, à 3-2 pour les Wizards, où il va planter 37 points à 6/6 de loin pour enfin briser son plafond de verre et atteindre les finales NBA pour la première fois de sa carrière ! Mais Scottie Pippen et Jayson Williams (6th man inside) sont out pour la finale. Sacramento commence bien la finale avec deux larges victoires de 21 et 18 points, avec un John Stockton qui se balade. Mais Reggie ne veut pas tomber, et va scorer 32 points dans une victoire 93-91 des Wizards, puis 27 points avec un énorme 3-points à 17 secondes du terme dans le Game 4. Mais le Game 5 tourne à la catastrophe pour Washington, avec Rodman, Miller et Ewing en foul trouble. Un mauvais choix du coach (Rodman en ailier pour défendre sur Schrempf, Jayson Williams de retour de blessure dans le cinq), une défaite de 36 points et Reggie Miller dit adieu au titre NBA. Il ne le reverra plus d’aussi près.

L’année suivante, Reggie Miller revient déterminé. Il est allé chercher l’or olympique à Atlanta, et avec le départ de Patrick Ewing à la Free Agency, Reggie Miller doit encore progresser au scoring. Il va finir 2ème meilleur scoreur de la NBA derrière Shaquille O’Neal avec 27,7 points. En prime, il va pulvériser le record de 3-points en une saison : 272 tirs primés inscrits ! Le record de John Starks (217 3-points en 1994-1995) explose devant les talents de sniper de Miller, qui shoote à 44,7% de loin cette saison. Pour la première fois de sa carrière, il finit dans la All-NBA First Team. Mais Washington va passer de 56 à 48 victoires, et tombe au pied du podium de la conférence Est.

Au premier tour, c’est le Miami Heat qui se dresse face au finaliste NBA. Dès le Game 1, le duel est splendide entre Reggie (44 points à 9/11 de loin, record NBA) et Grant Hill (43 points) dans une victoire 121-108 des Wizards. Après une deuxième victoire à domicile, Miami remporte facilement le Game 3 avec un Reggie Miller limité à 17 minutes à cause des fautes. Au Game 4, les 50 points de Reggie Miller ne suffisent pas à contrer Miami. Un game winner de Grant Hill permet d’aller chercher le Game 5 à Washington pour mener 3-2. Et en plus, Washington perd Scottie Pippen pour le reste des playoffs. Reggie Miller reste discret dans le Game 6, mais Sabonis est monstrueux à 40 points à 15/20 au tir pour arracher le Game 7. Un Game 7 perdu par Washington, qui perd Mark Jackson dès la 7ème minute. Reggie Miller signera un 3ème match à plus de 40 points en vain. Il pourra se consoler (un peu) avec son record NBA de 9 tirs primés en un match de playoffs.

Washington tentera de se renforcer en récupérant Patrick Ewing pour deux ans. Mais c’est trop tard, c’est trop vieux. Reggie Miller, Mark Jackson et Scottie Pippen ont 32 ans. Patrick Ewing a 35 ans, Dennis Rodman 36 ans. L’équipe n’arrive plus à suivre le rythme NBA, et s’effondrera avec 38 victoires seulement, et va manquer les playoffs. Une première pour Reggie Miller depuis sa saison rookie. Mais lui aussi a senti le poids des âges, avec seulement 19,3 points. Puis 13,9 points la suivante. Washington retrouvera les playoffs sous l’impulsion de Sam Cassell et Larry Johnson, mais se fera sweeper par les Sixers. Reggie tournera péniblement à 12,3 points sur la série.

Pour la saison 1999-2000, Reggie est préservé par son nouveau GM Psychobrook, qui le limite à 22 minutes de jeu pour 12,7 points, et les Wizards se feront de nouveau sweeper au premier tour par les Bulls cette fois-ci. Après 5 saisons à Washington, il décide de prendre un nouveau départ. D’abord à Orlando, où il va découvrir le statut de remplaçant. Puis à Sacramento, où les ennuis à la hanche s’accumulent. Et enfin à Portland, où il se fracturera le bassin, signe de fin de carrière sportive après 3 saisons sans saveur et sans playoffs.

Il se retire en 2003, après 16 saisons NBA pleines, dont 8 à Indiana qu’il a marqué de son empreinte et remis sur la carte NBA et 5 à Washington qu’il mènera en finale NBA. Au moment de sa retraite, il détient presque tous les records imaginables à 3-points. Il détient également le record de point inscrits sous le maillot des Pacers avec 12 467 points, et il est le 2ème joueur à avoir le plus porté le maillot d’Indiana avec 644 matchs. Il détient les records de 3-points inscrits sous les couleurs d’Indiana et de Washington également.

Cette éthique de travail, qui caractérisera Reggie Miller toute sa carrière, l’encouragera à se lancer dans le coaching. Il a également reçu un coup de pouce de la part d’Elgobi, GM des Knicks, pourtant ennemi juré des Pacers et de Reggie Miller. Fan inconditionnel du n°31 des Pacers, ce dernier lui offre une place d’assistant coach de Danny Ainge. Les Knicks perdront en finale la première saison de coach de Miller, mais ce dernier participera en tant que coach à la saison fabuleuse de 2004-2005 avec 78 victoires en saison régulière et le titre NBA ! Enfin, Reggie Miller a décroché une bague NBA. En tant que coach, assistant coach même, mais qu’importe, Reggie est aux anges.

Mais il en veut plus, et il quittera les Knicks quand ces derniers entameront leur reconstruction. Direction Indiana, of course, où Elgobi a repris les rênes de la franchise. Depuis 3 ans, Reggie est donc le Head Coach de la franchise. Si les deux premières saisons ont été difficiles avec 27 victoires, puis seulement 7 la saison suivante, la saison actuelle est conclue avec 42 victoires, un retour en playoffs après 5 ans de disette.  Une saison conclue par un sweep contre les Sixers. Un bel écho au passé pour l’ailier, qui avait conclu ses playoffs en tant que joueur par un sweep contre ces mêmes Sixers il y a 10 ans. Allez Reggie, profites de ton intronisation au Hall of Fame, puis retourne au boulot ! Y’a des trades à finaliser, une nouvelle saison à préparer, un titre à ramener dans l’Indiana !

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