Hall of Fame 2010 : Shawn Kemp

Ailier-fort archi-spectaculaire sous le maillot de Seattle, Shawn Kemp avait tout pour devenir une icône du basket américain. L’alcool, la drogue et les kilos en trop auraient pu avoir raison de lui. Mais l’amitié réelle avec un Hall of Famer de la classe 2009 a su le tirer d’une dépression fin 1995 pour reprendre son envol tel un phénix.

Le duo le plus iconique de l’histoire du basket américain est enfin réuni au Hall of Fame. Gary Payton et Shawn Kemp auront fait rêver tous les fans de la balle orange au fil de la décennie à jouer ensemble. Et comme GP a clôturé la première cuvée de Hall of Famers, quoi de plus normal que de conclure la cuvée 2010 des Hall of Famers par son compère du Sonic Boom ?

Mais avant de parler de leur histoire commune, revenons en arrière, dans la jeunesse du Reign Man.

L’homme enfant a perdu son innocence depuis longtemps. Sans le vouloir. Après avoir grandi de 33 cm en 24 mois, Shawn T. Kemp devient, à 17 ans, l’un des meilleurs joueurs de lycée que l’Etat d’Indiana ait jamais connus. Durant son année senior à la Concord High School, son nom est sur toutes les lèvres. On l’attend chez les Hoosiers, l’équipe coachée par le légendaire Bobby Knight. Mais Kemp commet l’impensable en annonçant qu’il donne sa préférence à Kentucky. Du jour au lendemain, l’idole se transforme en renégat. Les Wildcats le virent très rapidement (on y reviendra). Il cherche un point de chute dans le Texas, à Trinity Valley, mais la saison bat son plein. Impossible d’intégrer l’équipe.

En 1989, à 19 ans, il n’a pas d’autre choix que de frapper à la porte des pros. Kemp n’a pas joué un seul match en NCAA. Les Supersonics s’en moquent. Ils le draftent en 17e position. Deux ans plus tard, il s’impose comme l’ailier fort titulaire de Seattle. Avec ses 2,08 m, ses 117 kg, sa moustache et sa voix d’outre-tombe, Shawn fait plus vieux que son âge. Son enfance, son adolescence, sa vie entière ont été condensées. Kemp n’a jamais été un teenager.

Son potentiel athlétique hors normes et ses dunks sauvages ne sont pas sans rappeler le regretté Darryl Dawkins. Comme lui, « Baby Gorilla » était passé directement du lycée à la NBA. A l’époque, cinq joueurs seulement ont connu une ascension aussi rapide. Parmi eux, un seul, l’inépuisable Moses Malone, est réellement devenu un monument. De par son jeu et son look, Kemp est souvent comparé à un autre Malone. Karl, l’ailier fort d’Utah. Sculptés comme des statues de marbre, le muscle généreux, ces deux-là font partie de la même famille : celle des bulldozers.

S’il n’a pas encore accédé au statut de légende, Kemp a accompli quelques exploits appelés à rester dans l’histoire. A Sacramento, il jumpe si haut qu’il se cogne la tête sur le plexiglas. Résultat : cinq points de suture. Durant l’été 1991, lors du All-Star Game annuel de charité organisé par Magic Johnson, il vole la vedette à Michael Jordan, Charles Barkley et consorts : 49 points, 14 rebonds, 4 passes et 4 interceptions. Les matches de présaison suivants vont confirmer l’impression laissée lors de l’épisode estival avec plus de 20 points de moyenne.

Kemp a ajouté à son répertoire de dunks et de contres tonitruants un tir extérieur tout à fait fiable et une qualité de passe rare chez un ailier fort. S’il lui arrive encore de faire des fautes stupides et de perdre des ballons bêtement, ce n’est pas par manque d’efforts. Il possède les deux éléments fondamentaux pour devenir une star NBA : la détermination et la régularité.

La vie de Shawn Kemp a souvent eu un temps d’avance. Géant avant l’âge, Kemp se rase dès l’âge de 13 ans. Au lycée, on l’appelle « Monsieur » et on le confond avec les pions. Plus fort : sa carrière universitaire s’arrête avant d’avoir commencé suite à un scandale. La politique de recrutement de Kentucky fait des vagues. Kemp frôle la correctionnelle. Au centre de l’affaire : Chris Mills. Recruté au même moment, Mills se voit remettre un chèque de 1 000 dollars par un assistant coach. Kemp est très ami avec lui. On les met facilement dans le même panier. La situation devient intenable. Pour ne rien arranger, Shawn n’a pas des notes suffisamment bonnes pour intégrer l’université. Il aurait été interdit de compétition pour une saison.

Kemp fut même accusé, à tort, d’avoir volé deux chaînes en or appartenant à Sean Sutton, le fils de l’entraîneur Eddie Sutton. Kentucky, c’est fini. Il entre, par la force des choses, dans un junior college de seconde zone dans le Texas et ne joue pas pendant un an. Pourtant, les Supersonics le veulent à tout prix. Mais l’histoire du vol le poursuit. Les dirigeants de la NBA diligentent une enquête qui révèle que Kemp est hors de cause. Il a simplement couvert un autre joueur.

En 1989, les Supersonics le draftent donc au premier tour. Il signe un contrat de 3,6 millions de dollars qui court jusqu’en 1995. C’est beaucoup et peu à la fois. Certains joueurs de son acabit gagnent autant en une seule saison. Avec ses 430 000 dollars par an, Kemp aurait pu demander à renégocier son contrat. Il ne l’a pas fait.

Pourquoi s’inquiéter ? Tout le monde dans la Ligue bave devant le phénomène. Un vrai pur-sang. Une pile électrique. Le prototype du basketteur moderne. Véloce, aérien, explosif, archi-spectaculaire. Robuste. Et dans le même temps, complètement inclassable. Il peut sortir une action digne de la première place du Top Ten et foirer lamentablement la possession suivante. Sa détente est ahurissante. Sa vitesse d’exécution hallucinante. Sa prestation dans le concours de dunks du All-Star week-end à Miami (1990) frappe les esprits. Le départ de Xavier McDaniel à Phoenix marque le début d’une irrésistible ascension.

L’équipe atteint le premier tour des playoffs mais doit s’incliner face à Portland (3-2). The « Man child » devient « Reign man ». Kevin Calabro, le présentateur des Sonics, a vu ce nickname sur un poster. Il le reprend systématiquement dans ses commentaires radio. La formule passe à la postérité. Les confusions aussi. On écrit parfois « Rain man ». Parce que le climat pluvieux de Seattle lui plaît. Et parce qu’il kiffe le film avec Tom Cruise et Dustin Hoffman…

La saison suivante, avec Benoit Benjamin et Michael Cage, le n°40 fait feu de tout bois dans la raquette. Lors du premier tour de playoffs contre Golden State (3-1), il s’affiche à 22 points et 16.3 rebonds de moyenne. Seattle cale en demi-finales de Conférence (4-1 face au Jazz). Partie remise. Le natif d’Elkhart (Indiana) prend rendez-vous avec l’histoire en compilant 29 points et 20 rebonds lors du match inaugural de la saison 1992-93, face aux Rockets. Pour la première fois depuis Dale Ellis en 1989, un Supersonic est convié au All-Star Game.

Durant les playoffs suivants, il faut un Charles Barkley au sommet de son art pour empêcher Seattle d’accéder à la Finale NBA. Les additions du meneur Gary Payton (13,5 points), de l’ailier Eddie Johnson (14,4) et de l’arrière Ricky Pierce (18,2) se sont révélées déterminantes. Seattle s’offre le Jazz et les Rockets avant de s’incliner contre Phoenix (4-3).

Avec 63 victoires en 1994, le sacre des Sonics est programmé. Annoncé. Le « Reign man » régale (18,1 points et 10.8 rebonds). Qui peut se mettre en travers de sa route ? Eh bien Denver, tête de série n°8… Au 1er tour des playoffs, les coéquipiers de Dikembe Mutombo réussissent l’impossible en allant remporter le Match 5 (98-94) à Seattle. Shawn part se changer les idées au Canada avec la Dream Team II (médaille d’or aux championnats du monde) et revient gonflé à bloc. Il est stratosphérique (24 pts à 58%, 12 rbds, 2 ints, 1.75 ct) au premier tour des playoffs mais Seattle boit une nouvelle fois la tasse (3-1 contre les Lakers).

Malgré cette deuxième élimination de suite au premier tour, rien ne semble pouvoir stopper l’irrésistible ascension de Kemp et de ces Sonics. C’est une bande d’allumés qui font peur. Joyeux, chambreurs, adeptes d’un basket tout en mouvement, sans véritable pivot et avec une défense propre mais d’une férocité incroyable. Shawn Kemp n’a jamais été aussi dominateur. Payton jamais aussi bavard et chambreur. Mais parfois, tout ne se déroule pas comme prévu. La Fantasy Draft de 1995 viendra tout détruire. Comme si le Sonic Boom n’était qu’un rêve. De Gary Payton, Shawn Kemp, Detlef Schrempf, Kendall Gill, Sam Perkins, Nate McMillan, Sarunas Marciulionis ou Vincent Askew, Seattle passe à Ervin Johnson, Scott Burrell, Brooks Thompson, Kevin Edwards et Jamie Watson. Les jeunes Sam Cassell et Rasheed Wallace n’aideront pas Seattle, qui finira 2ème pire bilan avec 17 victoires. D’équipe du futur, les Sonics sont devenus l’équipe du passé. Il faudra attendre les playoffs 2011 pour revoir les Sonics passer un tour de playoffs, après 18 ans d’attente…

Pour Shawn Kemp, cette Fantasy Draft marque le début d’une dépression. Drafté en 14ème position du premier tour un soir de juin par les Toronto Raptors, il est séparé de son compère de toujours, partit en 3ème choix du premier tour par Cleveland. Dans un pays étranger, dans une équipe qui ne vise rien d’autre que perdre des matchs, The Reign Man est malheureux.

Kemp n’a jamais été un élément facile à gérer. Son penchant pour l’alcool n’arrange rien. Et surtout, on reparle argent. Le n°40 avait resigné avant l’explosion des salaires. Il gagne sensiblement moins que des éléments de sa valeur. Ses demandes d’augmentation sont sublimement ignorées. Il est un des joueurs les moins bien payé du faible roster des Raptors. L’ailier-fort aérien et virevoltant d’hier mue en un intérieur pachydermique cloué au sol. Shawn est toujours dépendant à l’alcool. Il touche aux drogues. Des bruits alarmants circulent en coulisses. Il aurait eu sept enfants (au moins) avec six femmes différentes… C’est comme si l’homme enfant d’hier, celui qui n’avait pas eu de temps à soi, était rattrapé par la vie avec son cortège de tumultes. Sex, drugs, alcohol and basketball. Sale mélange.

Mais Zhack, GM des Cleveland Cavaliers, croit dur comme fer au duo star des Sonics. Convaincu par son leader Gary Payton qui voit en Shawn Kemp son pendant idéal, il va envoyer ses picks 96 et 98 en plus de Walt Williams à Toronto pour récupérer le Reign Man. Et Cleveland, qui était devenue une équipe moyenne et vieillissante avec la fin de la génération Mark Price, Larry Nance et Brad Daugherty, redevient une équipe de premier plan. Pas dès la première saison, vu que Shawn Kemp est arrivé à la mi-saison. Cleveland ne fera que 45 victoires, pour une élimination au premier tour face au futur finaliste, les Washington Wizards. Bien bloqué par Dennis Rodman, toujours en proie aux problèmes d’alcool et des kilos en trop, Shawn Kemp ne dominera pas son vieillissant adversaire, et en plus Gary Payton galère face à Scottie Pippen. Cleveland ne tiendra pas le choc, et perdra en 5 manches.

Pour couronner le tout, un deuxième coup sur la tête viendra quelques jours plus tard, lors de l’annonce pour la sélection américaine pour les jeux olympiques d’Atlanta en 1996. Shawn Kemp n’en sera pas. Il le vit très mal : « J’ai pris un véritable coup sur la tête en n’étant pas sélectionné dans la Dream Team III pour les Jeux d’Atlanta. J’ai beau me torturer l’esprit pour comprendre ce que les autres avaient de plus que moi, je n’arrive qu’à une seule réponse : le palmarès. Cette déception me motive encore plus. La Terre entière aura l’œil fixé sur nous, pour voir si on ne s’arrête pas au premier tour comme les trois années précédentes. Rendez-vous en juin », explique-t’il.

Gary Payton la grande gueule a su trouver les mots justes pour le motiver. Une cure de désintox, un entrainement de spartiate pour retrouver une forme olympique, et c’est un homme changé qui arrive au training camp à l’entame de la saison 1996-1997. Avec Gary Payton, il va mener les Cavs au deuxième bilan de l’Est, avec 55 victoires. Avec 17,3 points et 9,0 rebonds de moyenne, Shawn Kemp redevient All-Star. Mieux, il est élu en All-NBA Second Team et All-Defensive Second Team.

Les Celtics de Glenn Robinson et Allan Houston vont se battre vaillamment, mais les Cavs vont l’emporter 4-2. Le repositionnement défensif de Payton sur Houston fera basculer la série avec ce dernier qui se trouve à 5/19 puis 6/21 aux Games 5 et 6. Kemp haussera le ton contre le pauvre Jayson Williams avec 21 points / 12 rebonds puis 27 points / 21 rebonds aux Games 5 et 6. Les Hornets du jeune mais déjà gênant Kevin Garnett se dressent sur la route des Cavaliers en demie. Mais ils ne sont pas de taille, et sauveront l’honneur en arrachant le Game 4 en prolongation pour perdre la série 4-1. Kemp est incapable de dominer le jeune KG, All-NBA Second Team comme lui, mais Gary Payton, Nick Anderson et Steve Smith font le travail.

Place à la finale de conférence, contre les Bulls, encore. La grande rivalité de l’Est du début de la décennie est déjà de retour. Exit Jordan, Pippen, Price ou Nance. Place à Kemp, Payton, Penny ou Ceballos. Le Game 1 au United Center est un calvaire pour Cleveland. Penny à 27 points, Ceballos à 36. Kemp à 14, Payton à 6. Mais Payton va se ressaisir. Kemp aussi. Le duo à trop perdu pour se laisser encore marcher sur les pieds. Cleveland va remporter les trois matchs suivants. Payton finira MVP des Games 2 et 3. Kemp MVP du Game 4 avec 31 points et 17 rebonds. Chicago arrachera le Game 5, mais se fera écraser dans le Game 6 : +26 pour Cleveland.

Voici Shawn Kemp en finale. Une première pour lui, comme pour son ami Payton. Comme pour la franchise des Cavaliers aussi, d’ailleurs. Elle sera brillante, étincelante. Shawn Kemp a une raquette David Robinson – Patrick Ewing face à lui. Un duo vieillissant, certes. Mais deux des meilleurs intérieurs de l’histoire. Mais Shawn Kemp va les dominer. Et comment : sur six matches, il s’affiche à 23,3 points, 10 rebonds et 2 blocks. Gary Payton étouffe Magic Johnson et se montre clutch au Game 2 pour revenir à 1-1. Kemp sera monstrueux au Game 3 pour reprendre l’avantage avec 33 points et 16 rebonds. Payton lui répondra au Game 4 avec 29 points, 8 assists, 7 rebonds, 6 steals. Malgré une réaction au Game 5, bien aidé par les problèmes de faute de Kemp, ce sont bien les Cleveland Cavaliers qui remportent le Game 6 à domicile pour s’offrir leur premier titre de champion. Shawn Kemp, meilleur scoreur des finales face à Robinson et Ewing, est élu MVP. Il peut savourer son titre. A 27 ans, il est sur le toit du monde.

La suite reste tout aussi belle. La folie du titre se continue durant l’été. Il est le témoin lors du mariage de son meilleur ami Gary le 26 juillet 1997. De retour au training camp, le feu est un petit peu moins présent. Cleveland réalisera néanmoins une belle saison, mené par son bondissant intérieur, All-NBA First Team avec 20,5 points et 9,6 rebonds. La deuxième place de la conférence Est est arrachée de justesse, et Payton monte en puissance à l’approche des playoffs.

Au premier tour, ce sont les Pacers d’un certain Allen Iverson, All-NBA First Team dès sa saison sophomore. Il sera dominé par The Glove, pendant que Kemp domine facilement la raquette de la franchise de son état natal dans un premier tour maitrisé et remporté 4-1. Au second tour, les Celtics du duo Glenn Robinson / Allan Houston ne prendront même pas un match. Ce sweep leur permet de retrouver Chicago en finale de conférence.

Chicago est revanchard, et ça se sent dans le début de la série, où Chicago mène 2-0. Puis 3-0, avec une victoire en overtime dans le Game 3 ! Kemp est très bon avec 22,7 points et 11,2 rebonds sur ces 3 matchs, mais il est trop seul. Mais il ne faut pas sous-estimer le cœur d’un champion. Payton va dominer Penny, et Nick Anderson en fera de même contre Hersey Hawkins. C’est ce bon vieux Gary qui inscrira le buzzer beater dans le Game 5 pour une victoire 99-98, pour glacer le United Center. Le Game 6, tourne à la correction, avec des Cavs qui mènent 34-10 après 12 minutes, et ils reviennent de 3-0 à 3-3 !

Le Game 7 sera irrespirable. Légendaire. Il a un nom, d’ailleurs. Le Ceballos Game. Dans cette guerre des tranchées qu’est cette finale de la conférence Est, l’ailier va briller de mille feux. Ce n’est pas n’importe qui, le Ceballos. Il est double All-Star. Il était All-NBA Third Team l’année passée. Mais ce soir de mai 1998, il était sur un nuage. Dans un match qui s’est achevé à 93-89 pour Chicago, Big Balls Ceballos finira avec 46 points pour éliminer le champion en titre. Cleveland est à terre. Chicago retourne en finale. Shawn Kemp n’a pas grand-chose à se reprocher offensivement sur ces finales de conférence avec 24,4 points et 11,9 rebonds de moyenne. Mais il n’a pas su stopper Ceballos.

Le coup sur la tête est terrible pour Cleveland, qui ne s’en relèvera pas. La saison 1998-1999 est longue pour les fans des Cavs. Ces derniers finiront 4èmes de l’Est, pour se faire sortir en 5 manches par Indiana. Gary Payton se blesse au début de Game 4 pour la première fois de sa carrière, alors que son équipe revenait pour égaliser à 2-2. Seul, Shawn Kemp ne parviendra pas à renverser la vapeur malgré des moyennes de 18,8 points et 10,8 rebonds de moyenne.

L’année suivante sera pire. Gary Payton forcera sur son corps de jeune trentenaire, mais le niveau n’est plus là. Sa blessure au dos l’handicape, mais il tient sa place. Avec un demi-Payton, Cleveland n’est plus que l’ombre de l’équipe champion qu’elle a été. Cleveland manquera les playoffs, une première dans la carrière de Kemp depuis sa saison rookie, il y a 10 ans de cela. Trop esseulé, malgré une sélection en All-NBA Second Team, The Reign Man n’est plus capable de mener seul une franchise en playoffs. Il se résout à demander son transfert à la trade deadline 2000, après une première partie de saison très mauvaise avec 21 victoires pour 31 défaites. Une décision difficile. Une séparation déchirante avec son meilleur ami, son coéquipier depuis 10 ans, avec qui il a créé l’une des équipes les plus funs de la décennie avec le Sonic Boom. L’homme qui est venu le chercher à Toronto de sa dépression. L’homme avec qui il a ramené le seul titre de l’histoire de Cleveland.

Le 18 février 2000, Shawn Kemp quitte Cleveland pour rejoindre Las Vegas et les Scorpions, en échange de Tom Gugliotta, Isaiah Rider et Clifford Rozier. Avec Jason Kidd, Marcu Camby, Jamal Mashburn et Kendall Gill dans le cinq majeur, et Jalen Rose, Howard Eisley ou Greg Buckner sur le banc, les Scorpions de Flip Saunders sont une machine de guerre qui va finir à 67 victoires. Mais ils vont se faire surprendre par un groupe de jeunes angelinos composé de Michael Finley, Joe Smith, Kenny Anderson, Damon Stoudamire, Juwan Howard, Dale Davis ou Brent Barry. Las Vegas explosera devant la réussite incroyable des Lakers qui scorera près de 126 points de moyenne sur cette demi-finale, qui s’achèvera en 7 manches par une victoire 131-117 sans prolongation !

Le coup est dur pour les Scorpions, qui voient les Lakers atteindre les finales pour se faire écraser par un Shaq en mission et auteur de 37,3 points et 16,8 rebonds de moyenne sur leur tête, et auteurs du back-to-back. Mais il servira de motivateur pour le GM Mo, le coach Flip Saunders et le leader de vestiaire qu’est Jason Kidd. Las Vegas va rouler sur la Ligue avec 67 victoires. Et la franchise ne s’arrête pas en si bon chemin. Un sweep des Rockets au premier tour des playoffs, une victoire facile 4-1 contre les Mavs en demie, et voilà les Scorpions en finale de conférence pour prendre leur revanche sur les Lakers. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’ils sont motivés en menant rapidement la série 3-0 ! Une petite réaction d’orgueil des Lakers leur permet de revenir à 3-2 avec notamment un Game 5 remporté de 2 points derrière un duo Barry/Finley à 76 points, mais les Scorpions mettent les points sur les i avec une victoire de 32 points au Staples Center pour clore la série et retrouver les finales NBA deux ans après.

Shawn Kemp n’était pas de l’aventure lors de la première finale de l’histoire des Scorpions. Il sera un des acteurs majeurs du premier titre. Son rôle est pourtant délicat, car il doit défendre le meilleur joueur adverse, Tim Duncan. Mais il s’en sort très bien, limitant Timmy à 29,2 points (44% au shoot) et 9,2 rebonds, pendant que lui tournait à 20,7 points (57% au shoot) et 11,1 rebonds sur la finale. Et comme Jason Kidd a pris également le dessus dans son match-up contre le lieutenant des Raptors Nick Van Exel, Las Vegas dominera assez aisément la finale remportée 4-2. Jason Kidd sera MVP, mais qu’importe pour Shawn Kemp, qui redevient champion NBA, et permet à une deuxième équipe de décrocher son premier titre NBA !

La saison suivante est encore excellente, conclue avec 67 victoires pour la 3ème année de suite. Mais en avril, c’est le drame. Shawn Kemp se casse le genou gauche dans un match contre les Rockets, puis Tracy McGrady (arrivé en cours de saison passée avec Brad Miller contre Mashburn et Camby) se fracture la cheville. Sans eux, Las Vegas se fera sortir dès le premier tour des playoffs par les Suns d’un Michael Redd à 28,8 points de moyenne, un Tom Gugliotta qui se balade en l’absence du Reign Man et d’un étonnant Shandon Anderson qui profite du manque d’ailier adverse pour scorer plus de 20 points de moyenne. Un énorme upset pour le meilleur bilan de la Ligue, sorti 4-2 dès le premier tour et qui perd son titre à cause de deux grosses blessures.

Rien de tel pour remotiver les troupes. Une saison régulière solide pour les Scorpions à 63 victoires, mais Kemp n’est que l’ombre du joueur qu’il était. La fracture de son genou à laissé un trentenaire meurtri. Il ne pèse plus que 9,7 points et 6,5 rebonds. Il est devenu le maillon faible d’une équipe qui compte Jason Kidd, Latrell Sprewell, Jalen Rose et Shaquille O’Neal dans son cinq majeur. Les Scorpions seront titrés après avoir remporté deux thrillers contre le Jazz en finale de conférence et les Knicks en finale NBA. Sur ces deux séries, Shawn Kemp ne réussira qu’un double double en 14 matchs. Il peut célébrer son titre NBA, tout en sachant pertinemment que sa carrière NBA est à son crépuscule.

En difficulté avec le Hard Cap, il est évidemment le premier joueur sacrifié par son GM Mo, et ne sera pas conservé après le titre. Direction Vancouver pour devenir 6th man, qui lui rappelle de mauvais souvenirs canadiens. Il est échangé dès la saison suivante en tant que simple complément salarial à Washington, où il passera deux ans sans voir les playoffs. Un farewell tour dans la franchise de son état natal, l’Indiana, et Shawn Kemp quitte les parquets NBA à 37 ans, en avril 2007.

Sa reconversion sera rapide. Encouragé par son compère Gary Payton, il décroche une place d’assistant coach chez le Miami Heat dès sa retraite sportive. Deux ans plus tard, quand Miami se cherche un nouveau Head Coach, c’est lui qui glisse aux oreilles de son GM B2zoMTB le nom du candidat parfait : Gary Payton. Depuis deux ans, le duo s’éclate, cette fois-ci sur le banc floridien.

Sans surprise, c’est The Glove qui va faire le discours d’intronisation au Hall of Fame du Reign Man. Il pourra rappeler que son ami est champion olympique en 2000, champion du monde en 1994, triple champion NBA, MVP des Finales 1997, 8 fois All-Star, 2 fois All-NBA First Team, 3 fois All-NBA Second Team, une fois All-Defensive First Team et 2 fois All-Defensive Second Team. Qu’il a apporté un premier titre à deux franchises différentes, qu’il verra probablement son maillot retiré dans 3 franchises : les Seattle Supersonics, les Cleveland Cavaliers et les Las Vegas Scorpions. Qu’il totalise 19 472 points en carrière (49ème All-Time), 10 758 rebonds (37ème All-Time), 1 462 blocks (41ème All-Time ou encore 1 366 matchs (15ème All-Time). Qu’il a tout surmonté, l’exclusion en NCAA, le passage du lycée à la NBA, l’éclatement du Sonic Boom, les problèmes d’alcool et de dépression à Toronto, qu’il a su prendre la bonne décision pour sa carrière en quittant Zhack, Gary et Cleveland qui ont relancés sa carrière pour aller glaner deux titres supplémentaires, et qui a su revenir après une terrible blessure au genou, pour faire partie d’un des plus grands duos de l’histoire NBA, et se faire une place dans le gotha du basket. Qu’il est devenu une immense légende, et un exemple à suivre pour des milliers de jeunes. Bravo champion, et bienvenue au Hall of Fame !

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