Hall of Fame 2013 : Terrell Brandon

Il est de ces joueurs dont la destinée est toute tracée. Des joueurs tellement talentueux que leur place au Hall of Fame est assurée alors même qu’ils n’ont pas mis un pied en NBA. Et il y a des joueurs qui vont aller la chercher au mérite, après une carrière remarquable. Terrell Brandon fait partie de la deuxième catégorie. Le bonhomme a toujours eu la tête sur les épaules. Dans une Ligue minée par les egos, « Candyman » impressionnait par son humilité et son altruisme. L’éternel remplaçant de Mark Price à Cleveland craignait voir sa carrière brisée, comme son tibia droit un soir du 4 avril 1995. Mais il a su montrer d’incroyables qualités de résilience et de courage pour atteindre les sommets, et fut l’un des plus grands gagnants du lockout et de la Draft de 1995.

Thomas Terrell Brandon naît à Portland le 20 mai 1970. Ses parents Charles et Charlotte l’élèvent dans le Nord-Est de la ville, pas loin du Rose Garden. Ils habitent le quartier le plus pauvre, à majorité noire mais avec une grosse diversité ethnique. Le petit Terrell est à des années-lumière d’une carrière de basketteur pro. Il souffre d’une malformation au pied. Pour corriger tout ça, il lui faut porter un appareil orthopédique. Les médecins sont très pessimistes sur ses chances de marcher normalement un jour. On envisage le pire : provoquer délibérément une fracture pour tenter de réaligner les os. Terrell connaît une enfance normale malgré son handicap. Charlie et Charlotte se révèlent en effet les plus attentionnés des parents. Terrell, qui estime tout leur devoir, demeurera très proche d’eux. Charlotte fait des petits ménages pour arrondir les fins de mois. Charlie bosse à la Faculté des Sciences médicales, en charge d’un magasin de stocks. Pendant près de 25 ans, il prêcha la bonne parole dans une église. Le fiston n’en entendit que trois : « Bosse dur. Ne te laisse jamais impressionner. N’abandonne jamais. »

Terrell peaufine son jeu sur les playgrounds d’Irving Park. A la Grant High School, il devient une petite célébrité. En 1988, il mène l’école au titre de champion de l’Etat. Terrell Brandon était l’un des joueurs préférés de Damon Stoudamire, ex-meneur des Trail Blazers, de trois ans son cadet. Leurs routes se croisèrent sur les playgrounds de Portland mais pas au lycée ni à la fac : « Mighty Mouse » intégra Arizona en 1991, l’année où Brandon déboula en NBA. Là aussi, l’opposition de styles fut totale. A la polyvalence du all around player, Damon opposait sa vitesse, sa puissance et un jeu moins léché mais nettement plus spectaculaire. Tous deux figurent dans le Top 10 des joueurs les plus petits passés par la Ligue. Avec son 5’11, Brandon arrive derrière Stoudamire, Avery Johnson, Michael Adams (5’10), Calvin Murphy, Nate Robinson (5’9), Wat Misaka, Spud Webb (5’7), Earl Boykins (5’5) et bien sûr Muggsy Bogues (5’3). « On s’adore », racontait le meneur des Lakers avant le coup d’envoi d’un match Los Angeles – Orlando. « On représente tous les deux le Nord de la ville. On en parle tout le temps entre nous. Il n’y aura pas vraiment de perdant dans ce duel, Portland nous a adoptés avec le même attachement. »

Histoire de ne pas trop s’éloigner de la maison, Terrell Brandon choisit d’aller étudier à l’université d’Oregon (où Luke Ridnour et Aaron Brooks transiteront par la suite). Sa spécialité : les loisirs et services. Brandon passera trois ans sous les ordres de Don Monson. Ou plutôt deux puisqu’il ne quitte pas le banc durant sa saison freshman, jugé trop faible pour tenir le choc en NCAA. L’année suivante, le départ du titulaire de la mène Frank Johnson pousse Don Monson à intégrer dans le roster le jeune Brandon, qui n’en sortira plus. Dans son année sophomore, en 1989-90, il intègre carrément le premier cinq de sa Conférence, la Conférence Pac 10. C’est un meneur très consistant (17,9 points, 6,0 assists, 3,7 rebonds) et hyper adroit (47,7% dans le champ, 43,6% derrière l’arc). Sa saison junior est carrément somptueuse. Sa moyenne de points grimpe à 26,6, le troisième meilleur total de l’histoire de la Conférence derrière Kareem Abdul-Jabbar et le beaucoup moins connu Mel Counts. Il shoote à 49,1% et réussit 85,0% de ses lancers. Le MVP indiscutable des Ducks est élu « Joueur de l’année » de la Pacific 10. C’est un vrai surdoué. Terrell quitte la fac avec le record de points (745), de paniers (273), de lancers réussis (159) et de steals (63) sur une saison. Ses 26,6 pions par match constituent aussi un hit. Ce fut par ailleurs le scoreur des Ducks le plus prolifique en carrière (22,2 points par match). Il fera son entrée au Hall of Fame d’Oregon en 2001. Sous l’ère Brandon, les Ducks manquèrent malheureusement le Tournoi NCAA. Celui que l’on surnomme « Tee Bee » ou « Candyman » décide de tenter sa chance chez les pros en 1991, à 21 ans.

En quête d’un meneur back-up fiable, les Cavaliers le retiennent aux portes d’un Top 10 qui accueille Larry Johnson, Dikembe Mutombo et Steve Smith. Cleveland n’est pas à proprement parler la destination rêvée. Que ce soit pour la qualité de vie ou pour jouer au basket. Bien sûr, l’équipe tient la route. Brad Daugherty, Larry Nance et « Hot Rod » Williams ne sont pas des quiches. Mais Terrell se retrouve barré par un meneur indéboulonnable : Mark Price. Ce dernier a 27 ans. Il reste sur une saison blanche (16 matches en raison d’une déchirure d’un ligament du genou gauche) mais n’est pas descendu sous les 17 points de moyenne depuis 1987 et tourne à plus de 8,3 passes depuis trois ans. Les pourcentages de réussite de ce shooteur redoutable donnent le tournis : sur 5 ans, 47,8% dans le champ, 40,6% à 3 points et 89,3% aux lancers. C’est l’un meilleurs playmakers et snipers de la Ligue. D’entrée de jeu, la partie s’annonce délicate… Un rang plus loin, Brandon aurait peut-être atterri chez les Knicks. Ceux-ci choisirent Greg Anthony. Le seul meneur retenu plus haut fut Kenny Anderson, deuxième choix pour les Nets. Terrell dut ronger son frein derrière Mark Price. Au sujet du temps passé dans son ombre, Brandon expliquait ceci :

« Le fait de ne pas démarrer les matches ne m’a pas déprimé. J’étais en NBA, ma vie me plaisait. J’ai apprécié chaque instant que j’ai vécu en me remémorant combien mes parents avaient travaillé dur pour obtenir ce qu’ils avaient. Et ils avaient beaucoup moins que moi à l’époque. Passer du statut de star à Oregon à celui de n°2 fut très simple. Avec Mark, ça s’est très bien passé. Certains ont cherché à nous opposer pour créer une polémique mais elle n’avait pas lieu d’être. Je savais qui était le patron de l’équipe. Chacun connaissait son rôle. Celui d’un back-up, c’est d’aider le titulaire et l’équipe. Lenny Wilkens m’avait fixé comme challenge d’être le meilleur meneur remplaçant de NBA. Cela signifiait beaucoup pour moi. Ça n’avait rien de dégradant, c’était même flatteur. J’ai quand même fini dans le deuxième cinq des rookies en sortant du banc. Et puis, observer Mark chaque jour m’a aidé. Je me souviendrai longtemps de mon arrivée à Cleveland. En fait, à Richfield. J’avais entendu pas mal d’histoires mais débarquer sur place en provenance de Portland, ce fut un choc… J’étais au milieu de nulle part. J’ai déboulé dans un grand building et vu Larry, Mark, Brad, tous les autres joueurs. Je me suis demandé si je réussirais. On me jetait dans la gueule du loup, on attendait ma réaction. J’ai commencé par aller au Richfield Coliseum. J’ai regardé le plafond et je me suis demandé si mon maillot serait tout là-haut un jour. J’imagine que tous les jeunes joueurs font ça. »

Voulant bien faire et prouver qu’il mérite de passer du temps sur le parquet, Terrell se met à jouer contre nature, shootant plus souvent qu’à son tour. Ce n’est pas du tout le Brandon qu’on connaît. L’ancien Duck est un basketteur qui pense à servir un coéquipier avant de tenter sa chance. Cela se vérifiera tout au long de sa carrière. « T.B. » se reprend très vite. C’est le seul Cavalier qui dispute tous les matches en 1991-1992. Il est titulaire à neuf reprises, joue un peu moins de 20 minutes et rapporte 7,4 points en moyenne, assortis de 3,9 passes. Suffisant pour être retenu dans le deuxième cinq des débutants aux côtés de Rick Fox, Larry Stewart, Mark Macon et Stanley Roberts. Sa saison sophomore est du même tonneau : 82 matches, un peu moins de 20 minutes, près de 9 points. Derrière l’arc, il fait oublier une entrée en matière désastreuse (1 panier réussi sur 23 tentés comme rookie) en s’affichant à 31%.

Au lendemain d’une deuxième élimination face aux Bulls en playoffs, le coach, Lenny Wilkens, rend son tablier et prend la direction d’Atlanta. Mike Fratello s’assoit sur le banc. De son côté, Terrell ne disputera plus jamais une année complète. Une mononucléose lui fait louper le training camp et les neuf premiers matches de l’exercice 1993-1994. Titulaire à dix reprises, il se classe 13ème en NBA pour l’adresse aux lancers francs (85,8). Cinq fois, il terminera meilleur scoreur de l’équipe. Sans changer de statut. Back-up il est, back-up il restera (21,2 minutes, 8,3 points). L’année s’achève comme d’habitude par une élimination face à Chicago en playoffs.

Un temps délocalisée du côté de Richfield, l’équipe retourne à Cleveland pour inaugurer une Gund Arena flambant neuve. Malheureusement, ils furent plusieurs, en cette année 1994-1995, à jouer les hommes invisibles. Larry Nance est excusé : il a pris sa retraite. Brad Daugherty et Gerald Wilkins, eux, passent la saison à l’infirmerie. Mark Price loupe 34 matches. Son absence longue durée donne un coup de pouce à la carrière de Brandon, titulaire à 41 reprises. Sa réponse : 17 points et 7 passes de moyenne. Sur la totalité de l’exercice, cela donne 13,3 points – troisième meilleur scoreur de l’équipe – et 5,4 passes en près de 30 minutes. En février contre Orlando, « T.B. » est chaud comme la braise (31 pts à 12/15). Peut-être le front office comprend est-il à ce moment-là que la relève est assurée. 

Au début de la saison 1995-96, Terrell Brandon, 25 ans, n’était rien d’autre qu’un meneur ordinaire de 1,80 m luttant pour conserver une place stable en NBA. Retenu en 11e position de la draft 1991 par Cleveland, Brandon vient de passer quatre saisons dans l’ombre de Mark Price, meneur inamovible des Cavaliers. Pire : en avril 1995, il fut stoppé net par une fracture de fatigue au tibia droit. Pourtant, c’est le même Brandon qui figure dix mois plus tard au générique du All-Star Game de San Antonio. Terrell est le joueur le plus petit du lot. Le huitième de l’histoire mesurant moins de 1,83 m – et le troisième depuis 1980 – à prendre part au Match des Etoiles. « C’était extra de participer à un rendez-vous réservé aux grandes stars de la Ligue. Réaliser des actions pour des joueurs de cette trempe m’a fait un bien fou. Je pense avoir payé mon dû et gagné le droit d’être considéré comme un chef de meute. J’ai fermé ma gueule et attendu que mon heure sonne. ». Fermer sa gueule, Brandon n’a fait que ça depuis son arrivée dans la Ligue. C’est dans sa nature. C’est un « nice guy », un garçon calme qui aime s’asseoir au bord d’une fenêtre et regarder le paysage pour faire le plein de paix intérieure.

La saison 1995-1996 est réellement une renaissance pour Terrell Brandon, qui était au plus bas ce soir de juin 1995, date de fin du lockout. Mais un homme a cru en lui, et a su lui donner sa chance. Iversony, le GM du Magic, a fait l’étonnant pari de le choisir dès le 2ème tour de la Draft. Un remplaçant de 25 ans, 40ème meilleur joueur de la Ligue ? Pris devant des légendes comme Chris Mullin, Charles Barkley, Magic Johnson, ou devant des jeunes talentueux comme Vin Baker, Rod Strickland, Doug Christie, Allan Houston ? Pour beaucoup d’observateurs, ça n’avait pas de sens. Mais le pari très risqué d’Iversony a porté ses fruits. Au All-Star Game de 1995 à San Antonio, il y a eu deux représentants d’Orlando. C’est bien moins glamour que le duo Penny-Shaq, qui était impossible à remplacer, mais le duo Brandon / McDyess est sûrement la plus grosse réussite d’Orlando ces 20 dernières années. Autour de ce duo, on retrouve le pivot sophomore Bo Outlaw, l’ailier sophomore George Lynch et l’arrière de 25 ans Anthony Peeler. Et vu qu’Antonio McDyess est rookie, on peut dire que c’est Terrell Brandon le leader et vétéran de cette bande de jeunes de Floride. Un rôle qui est difficile à appréhender, car le meneur est plutôt réservé, calme et discret. Terrell n’est pas pour autant un solitaire. Juste un casanier qui refuse de se prendre la tête. Que ce soit à l’entraînement, dans les vestiaires, dans le bus de l’équipe ou dans l’avion, Brandon reste toujours accessible. En déplacement, il sort rarement de son hôtel et se fait généralement monter ses repas dans sa chambre. « Mes coéquipiers n’arrêtent pas de me répéter : « Hey, man, sors un peu de ta piaule ! » Les gens me regardent de deux façons. Certains trouvent que je suis prétentieux, d’autres pensent que je suis asocial. Tous ceux qui m’ont côtoyé et bien connu savent que je ne corresponds à aucune de ces descriptions. J’aime discuter avec les gens mais je tiens aussi à préserver ma vie privée. ». Mais Terrell, d’une certaine façon, a toujours été préparé par sa famille à tenir ce rôle de leader. Terrell explique sa réussite par l’éducation reçue de son père. « Quand Terrell a atteint 10 ans, je lui ai dit de se comporter en leader à chaque fois qu’il en avait l’occasion », explique ce dernier. De ce conseil, Terrell fit une parole d’évangile. Et il s’attela à faire progresser chacun de ses coéquipiers, du futur Franchise Player Antonio McDyess au 13ème homme Acie Earl.

Porté par Terrell Brandon, leader d’une escouade dense (6 joueurs à plus de 12 points de moyenne), Orlando va être un trouble-fête dans une Conférence Est d’un bon niveau (le 9ème finira avec 44 victoires). Le Magic accède à la postseason, avec 47 victoires et une belle 5ème place. Pas mal pour une franchise avec un cinq majeur de même pas 24 ans et à qui tout le monde prédisait une année à courir après le first pick. Le premier tour va donner lieu à un duel savoureux entre Chicago et Orlando, un remake des précédents playoffs. Mais que de changements en un an ! Dire qu’Anfernee Hardaway, l’enfant prodige d’Orlando est maintenant chez les Bulls ! Un défi immense pour Terrell Brandon. Le bestiau en face est tout simplement All-NBA Second Team et All-Defensive First Team. Le manque d’expérience se fait sentir dans les deux premiers matchs de la série, facilement remportés par Chicago. Comme toute son équipe, Terrell Brandon va passer à côté de son premier match de playoffs en tant qu’All-Star : 7 points à 1/9, 2 assists, 3 turnovers. Mais il va se remettre dans le bon sens de la marche, et toute son équipe avec lui. Dès le Game 3, il se paye le luxe de dominer Penny Hardaway dans un Game 3 de toute beauté : 25 points, 8 assists, 6 steals. Mieux, il est l’instigateur du run d’Orlando dans le dernier QT pour permettre de remettre Orlando devant au score avec 9 points en 2 minutes, dans le pur style Brandon : cross suivi d’un 3-points, lancers récoltés en slashant, et deux petits jumpers. Et alors que Chicago avait réussi à recoller au score à 17 secondes du terme, c’est lui qui va créer le décalage sur pick&roll pour permettre à Antonion McDyess d’inscrire son premier buzzer beater en carrière. Malheureusement pour Orlando, Chicago sera intraitable à domicile, et Penny Hardaway sera monstrueux pour sortir son ancienne équipe. Mais Terrell Brandon n’a pas à rougir de sa performance contre l’un des 3 meilleurs meneurs de la Ligue, la preuve en stats : 19,6 points à 34,8%, 4,4 assists (3,1 turnovers), 4,3 rebonds et 1,7 steal pour Penny Hardaway, contre 19,7 points à 41,1%, 5,7 assists (1,8 turnover), 4,0 rebonds et 2,8 steals pour Terrell Brandon.

Le discours d’après Game 6, que Terrell Brandon a tout de même ponctué en 23 points, 6 assists et 6 rebonds, est particulièrement touchant et à cimenté encore plus la place de Tee Bee dans le cœur des fans NBA : « Au lycée, on disait que je n’étais pas assez grand ni assez intelligent pour jouer chez les universitaires. A la fac, on me trouvait trop petit pour m’imposer chez les pros. En NBA, on m’a fait comprendre que j’avais deux ans devant moi avant d’aller faire carrière en CBA… ». Erreur. Brandon s’est bien implanté sur le circuit pro US. Sa cinquième saison accoucha d’une consécration. Il ne voulait pas redescendre de son piédestal. « J’ai toujours franchi les paliers progressivement, en ignorant les controverses et les rumeurs. Mes détracteurs m’ont rendu meilleur basketteur. Et surtout plus humain. Mon jeu n’est pas aussi aseptisé qu’ils le souhaiteraient. La saison prochaine, j’arriverai au training camp avec quelque chose de nouveau pour prouver que je l’améliore encore. Un jour, je l’espère, on osera dire qu’il approche une forme de perfection… »

Au fond, tout cela s’accorde parfaitement avec le jeu de celui dont « Sports Illustrated » faisait début 1997 « le point guard le plus complet » de la Ligue. Un basket qui combine altruisme et modestie. Evidemment, tout cela détonne dans une Ligue ayant érigé le tape-à-l’œil et la vantardise en valeurs cardinales. Terrell est un personnage empreint d’une profonde humilité. Il n’a pas cherché à exploiter sa popularité outre mesure. D’autres ont touché les dividendes de la réussite via de juteuses retombées publicitaires. Il n’a pas voulu les imiter. « La vie est belle si vous la laissez suivre son cours », déclarait-il dans « Sports Illustratred ». « Je ne compliquerai pas la mienne. Je joue, je rentre chez moi, j’attends le jour suivant. Je bannis le stress de mon quotidien. »

Les meilleurs potes de Brandon sont ses amis d’enfance. Dans l’Oregon, il a fait construire une maison à quelques minutes de chez ses parents et à deux kilomètres de son ancien lycée. High school qu’il mena au titre de champion de l’Etat dans sa saison senior. Et le voilà, le petit gars de Portland, qui est présenté comme meilleur meneur de la Ligue. Evidemment, du haut de ses 16,6 points, 5,5 assists, 3,6 rebonds et 1,7 steal, l’affirmation parait osée, surtout quand on le compare aux autres meneurs présents au All-Star Game 1997, qui sont Gary Payton, John Stockton et Penny Hardaway. Mais il faut reconnaitre que Terrell Brandon, All-Star pour la deuxième année consécutive, c’est quelque chose. Un des meilleurs passeurs de la Ligue, l’un des meilleurs ratio assist/turnover, l’un des shooteurs de loin les plus efficaces, un défenseur sur l’homme parmi les plus embêtants de la Ligue, une science du jeu énorme des deux côtés du terrain, et un sacré leader en prime. Son absence de 16 matchs en décembre a montré son importance dans le collectif d’Orlando. Avec lui, un rythme de playoffable avec 35 victoires pour 31 défaites. Sans lui, une des pires équipes de la Ligue avec 3 victoires pour 13 défaites. Orlando manquera les playoffs pour 3 petits matchs.

L’été 1997 est très mauvais pour la franchise d’Orlando, entre Lottery pick gâché (Tony Battie sélectionné), mauvais trades (départs d’Anthony Peeler, George Lynch et Howard Eisley), et le surpayage de Brian Grant. Orlando n’est plus sensé être un candidat aux playoffs. Mais McDyess sors une saison excellente (19,1 points, 9,2 rebonds, All-Star et All-Defensive Second Team), et Terrell Brandon est toujours un excellent général sur le terrain (16,1 points, 5,7 assists). Orlando évite les blessures cette année, et finit 6ème de l’Est avec 47 victoires. Mais l’aventure prendra vite fin au premier tour, avec un sweep subit face aux Celtics de Glenn Robinson et Allan Houston. Terrell Brandon a su éteindre Derrick Martin (5,7 points à 27,2%), mais n’a pas autant dominé offensivement qu’à l’accoutumée (14,5 points à 33,7%, 7,3 assists, 4,3 rebonds, 1,3 steal).

Après l’élimination, le ton monte entre Terrell Brandon et le Front Office du Magic. Iversony, le GM qui a relancé sa carrière alors qu’elle était au point mort, a déjà été viré. Son remplaçant, Syr_Melo, n’a pas permis à Orlando de progresser, et a pris la porte après avoir manqué les playoffs. Et la relation avec Cheetos pendant la saison a été chaotique, ce dernier apportant beaucoup d’instabilité à l’équipe avec des rumeurs de trade récurrents. A la Free Agency, Cheetos met le dernier clou dans le cercueil de la relation Orlando-Brandon, en refusant de lui proposer un contrat max. Flairant le bon coup, c’est TonyPop qui réaliser la bonne affaire en signant l’un des cinq meneurs de la Ligue et double All-Star, idéal pour alimenter le Shaq.

L’arrivée de TonyPop apporte un coup de boost énorme à la franchise de l’amour fraternel. Les Sixers n’étaient même pas en playoffs la saison passée. Le GM de Philadelphia va mettre la main sur Terrell Brandon, va relancer la carrière de Weatherspoon, ira chercher Toni Kukoc aux Nets. Et les Sixers ont su entourer le Shaq, qui a enfin une équipe à la hauteur de son talent. Les Sixers vont devenir la meilleure équipe de la Ligue avec 67 victoires. Terrell Brandon baisse au scoring, mais améliore encore plus sa défense et sa gestion de la balle. Il n’est plus vu comme un All-Star, mais il est là pour briller en playoffs. En défense, il va être incroyable. Les Wizards de Sam Cassell (All-Star et All-NBA Second Team) ? Sweepés, avec un Sam Cassel limité à 13,8 points à 36,0% au tir et 5,5 assists. Les Pacers d’Allen Iverson (All-Star, All-NBA Second Team) ? Sweepés, avec un Allen Iverson limité à 21,2 points à 29,7% et 5,5 turnovers (5,1 assists). Les Raptors de Nick Van Exel ? Ecrasés 4-1 dans une ambiance exécrable côté Raptors, avec un NVA à 12,5 points à 34,2% et 7,5 assists.

Voilà Philadelphie en finale NBA, presque sans transpirer tellement le Shaq est dominant. Mais il ne faut pas sous-estimer le rôle de Terrell Brandon, qui a su alimenter ses coéquipiers en attaque tout en bloquant ses adversaires directs, tous plus récompensés que lui. Pour ses premières finales NBA, Terrell Brandon va être confronté à un sacré morceau. Le meilleur meneur de la Ligue, tout simplement : Jason Kidd. Lui et ses Scorpions sont des challengers solides pour les Sixers : 65 victoires en saison régulière, et 12-0 en playoffs. Et ça se sent dès le Game 1, avec un Jason Kidd remonté avec 23 points, 16 assists, 9 rebonds et 4 steals pour récupérer directement l’avantage du terrain. Les Sixers égaliseront au Game 2, en squattant la ligne des lancers comme jamais (38/56 contre 2/6 pour les Scorpions). Et récupéreront directement l’avantage du terrain au Game 3, derrière un Shaq en 36 points / 17 rebonds / 5 blocks. Las Vegas bat facilement les Sixers dans le Game 4, mais derrière, Terrell Brandon met le verrou sur Jason Kidd, limité à 9,7 points, 7,8 assists et 7,2 rebonds sur les deux derniers matchs. Terrell se permet même le luxe de finir la série avec 15 points à 6/7 et 9 assists dans le Game 6 sur la tête de Jason Kidd, pendant que le Shaq mettait 39 points / 13 rebonds / 6 blocks / 5 assists / 3 steals. Une année seulement après son arrivée dans la ville de l’amour fraternel, voici déjà Terrell Brandon champion NBA. Le lieutenant de O’Neal est aux yeux de tous l’un des meilleurs meneurs de la Ligue malgré ses petits chiffres, et l’un des plus valuables sans la moindre discussion.

La saison 1999-2000 est du même acabit. Les stats sont en légère hausse avec 14,0 points, 5,8 assists, 3,4 rebonds et 1,9 steal. La reconnaissance aussi avec une élection en All-Defensive Second Team. Les playoffs sont du même acabit également. Les Celtics de Kobe Bryant ne tiendront pas et perdront 4-2, avec un Derrick Martin annihilé (4,4 points à 17,3%) et un Terrell Brandon qui tient la boutique pendant les premiers matchs, la franchise préférant reposer le Shaq, gêné au niveau du genou. Ses stats en tant que Franchise Player sur les 3 premiers matchs : 20,2 points, 7,2 assists et 2,3 steals. Les Sixers perdront deux matchs, mais à la défense de Brandon, passer de Shaquille O’Neal à Lawrence Funderburke au pivot, c’est une sacrée baisse de niveau. En demie, les Knicks de Ray Allen n’opposeront pas beaucoup plus de résistance et seront sortis 4-1, mais les Sixers vont perdre David Wesley, le 6th man sur le backcourt de Philly, jusqu’au milieu des finales NBA au mieux. Terrell Brandon va jouer plus de 40 minutes de moyenne, en dominant un meneur a qui on peut un peu le comparer : Mookie Blayock. Et entre les 15,7 points et 6,6 assists de Brandon, et les 7,8 points et 4,8 assists de Blayock, on peut dire que le modèle Brandon est plus performant.

En finale, les Sixers vont affronter à nouveau les Raptors d’un Van Exel All-Star et All-NBA Second Team. Ce dernier va réaliser une série énorme avec 19,2 points et 12,2 assists, mais Terrell Brandon est largement au niveau avec 17,8 points et 9,2 assists de moyenne. Et avec un Shaq à plus de 41 points de moyenne sur la série, les Sixers vont pouvoir retrouver les finales NBA. En face, les Lakers ont sorti les Scorpions puis les Grizzlies pour atteindre la finale NBA. Ils ont la meilleure paire de meneurs de la Ligue avec deux potentiels All-Stars avec Damon Stoudamire et Kenny Anderson. Pas un souci pour Terrell Brandon, vu qu’aucun des deux ne dépassera les 10 points de moyenne sur la série. Et les Lakers ne poseront guère de soucis non plus, battus 4-1 sans ménagement. Le Shaq va rouler sur les angelinos avec 38,7 points, 14,3 rebonds et 6,2 blocks de moyenne, et les Sixers font le seul back to back de l’ère Hannibal.

A l’orée de la saison 2000-2001, Terrell Brandon atteint la barre des 30 ans. Et vu que le reste du roster viellit (Barkley, Wheatherspoon, Barry, Antonio Davis et Wesley sont tous trentenaires), le Shaq est esseulé comme jamais. Avec une saison individuelle digne de Wilt Chamberlain, le Shaq permet à Philly de rester au top de la Ligue. Les playoffs commencent par un sweep des Wizards de Sam Cassell, encore calmé par Terrell Brandon. Les Bulls de Penny résisteront mieux avec une défaite 4-2, et un Penny « limité » à 20,3 points, 6,6 assists et 3,3 rebonds. Mais les Raptors, après deux échecs en finale de conférence contre les Sixers, ne se feront pas avoir une 3ème fois. Si Tim Duncan est en difficulté face à un Shaq impérial, la différence viendra des ailes avec Glenn Robinson et Allan Houston qui dépassent régulièrement les 20 points.

Le tournant de la série aura été le Game 2, un des matchs les plus fous de l’histoire NBA : 149-148 Toronto, 2 prolongations, un record de point en playoffs pour le Shaq, auteur de 65 points ce soir de mai 2001. Et pour lui répondre, l’un des plus beaux matchs de la part d’un meneur en playoffs : 29 points (12/17), 22 assists (1 turnover), 7 rebonds, 4 steals pour Nick Van Exel, avec en prime le tir primé pour arracher la victoire après 58 minutes d’un match d’une intensité dingue ! Pour une fois, Terrell Brandon n’a pas trouvé la solution, et doit se contenter de 16 points et 11 assists. S’il avait réussit à dominer son adversaire direct comme il avait habitué tout le monde à le faire, les Sixers auraient pu tenter un threepeat rarissime dans l’histoire de la Ligue.

Les Sixers repartiront cependant pour une dernière danse, mais le groupe est en fin de vie, et se feront sortir par les Knicks en demie. C’est la fin de l’aventure pour ce groupe des Sixers, qui sera éparpillé à travers le pays. Du côté de Terrell Brandon, il est Free Agent, et après deux titres, il va chercher de l’argent du côté de New York, puis est rapidement échangé à Atlanta pour 3 saisons médiocres collectivement sans passer un tour de playoffs, et avec un Terrell Brandon qui va sortir du cinq majeur pour la première fois depuis Cleveland. S’en suivra un petit tour des Etats-Unis, avec des passages à Detroit ou a Honolulu, avec de nombreuses séries de playoffs en tant que backup. Après une ultime saison à Honolulu achevée en 7 matchs en finale de conférence, Terrell Brandon annonce sa retraite pour retourner à Portland pour aider son quartier.

Terrell Brandon a refermé un chapitre de sa vie, celui de sa carrière NBA. Si ces récompenses individuelles sont très faibles (2 All-Star Game, une All-Defensive Second Team, une All-Rookie Second Team, une fois Player of the Month, deux fois Player of the Week et 88 fois Player of the Game), il est récompensé de ses sacrifices par deux titres en tant que lieutenant. Sa longévité lui permet d’avoir de très beaux totaux en carrière, avec 1 362 matchs (19ème total NBA), 15 107 points (130ème), 6 034 assists (36ème), 3 751 rebonds et 1 826 interceptions (20ème). De quoi être le meilleur joueur né à Portland de l’histoire NBA, et dans la discussion des 15 meilleurs meneurs de l’histoire. Et dans les meilleurs défenseurs à son poste, qui peut réellement être considéré comme plus fort que lui ? Très peu de monde, tant Terrell Brandon a été une peste pour tous les meneurs pendant 6/7 saisons. Seul Nick Van Exel a réussit à le dominer en playoffs de 1996 à 2003, alors qu’il a affronté plusieurs des plus grands meneurs de l’histoire.

Portland, revenons-y justement (comme Tee Bee). Depuis tout petit, Terrell rêvait d’aider sa communauté. En janvier 1996, avant un match du Magic au Rose Garden, il se rend à la cérémonie d’inauguration d’un nouveau complexe commercial dont il est l’un des promoteurs. La réalisation, au cœur de son ancien quartier, se compose d’un salon de coiffure, ouvert en 1990, et d’un magasin de sportswear. Elle accueille également les bureaux de la société qu’il avait créée dans ses jeunes années, Tee Bee Enterprises. La boîte organise des shows et des concerts. Brandon possède par ailleurs un bar à cigares. « J’ai voulu montrer qu’on pouvait sortir d’ici et réussir dans la vie. Pas forcément tremper dans des activités répréhensibles. Je tenais à créer des emplois pour les gens du coin. Je voulais construire quelque chose à partir de ce qui existait déjà, aider à changer les choses pour qu’on vive mieux dans ce quartier. Les affaires ont bien marché. Très bien, même. »

Le salon de coiffure pour hommes, situé au coin d’Alberta Street et de NE 14th Avenue, se nomme Terrell Brandon Barber Shop. L’endroit a vu défiler plusieurs joueurs NBA. Si vous passez dans le coin, allez y faire un tour. Il y a plusieurs souvenirs de match accrochés au mur et une télé diffuse les rencontres. Pourquoi un salon de coiffure ? « T.B. » avait un ami qui allait coiffer les gens à domicile. Il avait promis de lui ouvrir un salon s’il devenait riche. Promesse tenue : le barbier a sévi. Après l’arrêt de sa carrière, Terrell a passé du temps en famille, s’est mis au tennis et s’est occupé de son business. Il n’écartait pas la possibilité de revenir en NBA une fois ses affaires bien établies. Promesse encore tenue en 2010, avec une signature de 3 ans en tant qu’assistant aux Nets. Mais pour un joueur comme Terrell Brandon, il était important de boucler la boucle. Et après cette expérience aux Nets, le voici qui signe en 2013 un contrat de 3 ans dans sa ville natale à Portland. C’est sous les couleurs de sa ville natale qu’il va faire son entrée bien méritée au Hall of Fame !

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